Starfield, problème #1: Dans l’espace, tous piétons comme des tarlas

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En ce moment, Depuis des années, on entend les plaintes de citoyens montréalais (et probablement davantage hors-Montréal) comme quoi on fait la guerre aux automobilistes, on les prive de leurs droits, on les remblaie dans le caveau, ou je ne sais trop quelle autre hurluberlerie. Encore des pistes cyclables? Maudits rouleux de guidons! (sur le thème de la célèbre matricule 728 et ses “maudits gratteux de guitares”)

Well, si vous faites de l’urticaire à penser aux pistes cyclables qui bouffent des voies de voiture, je vais vous dire un truc: vous allez probablement trouver que Starfield est une sacrée dystopie où les wokes ont gagné et imposé leur régime totalitaire sur la galaxie. Ce qui est une bonne nouvelle pour les partisans de Québec Solidaire: le pouvoir ultime et absolu nous attend, faut juste toffer jusqu’en 2330!

Oui, les wokes ont gagné. Pourquoi? Hé bien dans Starfield, tout le monde est piéton.

“Piéton?” Comment est-ce qu’un jeu dans l’espace cosmique où on voyage entre des planètes pourrait être 100% piéton?

Twé qui est doué de raison

Je l’sais bin pas. Sérieux, j’ai pas de réponse à cette question très légitime, et je pense que c’est le problème #1 avec Starfield.

Une planète, c’est grand

A priori, l’idée qu’on puisse être dans l’espace sans véhicules est pas si folle. On s’imagine voyageant sur des mondes désertiques, inhabités, insolites, inhospitaliers, là où la main de l’homme n’a jamais mis le pied, ni une carte RAMQ, ni des ambulances. Il y a quelque chose de profondément poétique à se retrouver seul devant ces paysages extra-terrestres (qui en fin de compte sont pas mal terrestres avec des palette swaps).

About 10%' of Starfield's 1000+ planets have life on them as the game tries  to capture 'the magnificent desolation' of space, says Todd Howard | PC  Gamer

Starfield gameplay at Xbox Games Showcase promises "freedom on a galactic  level" | Eurogamer.net

Starfield Screenshot Megathread : r/XboxSeriesX

Sauf que l’a priori dure pas longtemps. Rapidement, on réalise le premier problème avec ça:

Un kilomètre à pied, ça use, ça use,
un kilomètre à pied, ça use les souliers…

Marcher est le pire ennemi de Starfield. J’ai bien dit de, pas dans Starfield. Parce que quand tu marches longtemps, en bon péripatéticien, tu commences à te poser des questions. Des questions vraiment inconfortables pour tout univers de science-fiction qui doit justifier sa logique qui repose sur des choix bancals. Et si tu commences à penser à d’autres univers des science-fiction, ça commence à devenir vraiment weird de passer tout ce temps à marcher.

De la planète au parking

Tu penses à Luke Skywalker sur Tatooine, la planète qu’il présente comme étant tout au bout du centre de l’univers, un vrai trou perdu (ah! il était pas encore allé sur Dagobah!), qui se promène avec son landspeeder. Tu te dis que lui, il était dans des sociétés civilisées avec du carburant pis des stations service…tout le monde n’a pas cette chance! Mais là tu penses à Halo et aux vaisseaux spatiaux qui transportent des Warthogs. Pis tu penses à Mass Effect où tu débarques sur des planètes avec le Mako, genre de tank six-roues tout-terrain.

Pourquoi j’ai pas ça, moi? C’est d’autant plus étonnant que le constructeur de vaisseaux dans Starfield te permet de placer dans ton vaisseau une cargo bay qui est très grande et ne sert absolument à rien (j’y reviendrai). Et là tu penses au fait que dans la vraie vie, on est allés sur la lune avec un véhicule tout terrain en 1971. Woups. Fait que là tu commences à comprendre la vraie game. Es-tu censé marcher comme un épais? Nope. La solution: le fast travel! Ouvre ton menu, pivote la planète sur ton interface utilisateur, choisis le spot où tu veux atterrir, boum! T’es rendu.

Soudainement, tu te rends compte qu’explorer des planètes, c’est comme aller magasiner dans un Smart Centre ou au Marché Central. Tu park ton vaisseau, tu fais tes achats, pis tu remontes dans le char pour aller te parker à ton autre spot pour faire ton autre commission.

Tu pensais que les wokes avaient gagné et que tout le monde était piéton dans une dystopie radicale. Mais en fait le monde naturel est devenu un carrefour de supermarchés où se déplacer en véhicules bin trop gros et énergivores est la seule manière de fonctionner dans une dystopie tristement conservatrice.

Mwé qui va downer du raisin pour oublier

Comme les dys ne viennent jamais seuls (comme les diss), je mets au clair que tu ne pilotes pas ton vaisseau en faisant ça. Contrairement à No Man’s Sky, tu ne peux pas voler au-dessus de la surface d’une planète librement. Tu ouvres ton menu, tu choisis ton spot, et tu vois ton vaisseau décoller dans une cinématique, tu le vois atterrir dans une cinématique, et puis tu sors marcher. Rince et répète. (Et si Rince tombe à l’eau, qui qui reste?) Alors en fait, c’est une dystopie où tout le monde prend le char pour faire chaque commission, mais en plus, tu conduis pas le char, c’est le AI qui pilote pour toi.

Pis là tu penses à toutes ces planètes qui sont bien habitées, dans lesquelles il y a des villes. Des villes où tout le monde est piéton, personne n’a de véhicules. Sauf un système de tramway. Alors finalement, peut-être qu’il y a une victoire des services publics, puisque même les capitalistes riches ne peuvent pas se payer un char, ni même une moto, ni même un vélo. (Regarde, je le sais pas c’est censé être quoi, le message. Je suis aussi perdu que toi.)

Entre réalisme et rationalisation

Il y a eu, quelque part dans le développement de Starfield, une rationalisation agressive dans le processus. À un moment on avait 1000 idées sur la table et on a décidé qu’on allait focaliser les efforts sur certaines choses, et laisser le reste de côté. Et visiblement, on a décidé de ne pas développer de véhicules. Trop compliqué, trop de choses à gérer pour garder les joueurs et joueuses sur les pistes peut-être. Mais c’est une décision tellement whack. Tu fais des planètes entières. (D’ailleurs mon chiffre de 1000 était pas au hasard: ils ont choisi de créer 1000 planètes à explorer. Quand on parle de décisions whack… ils auraient pu en faire 250 et nous donner des véhicules non?) Je peux comprendre si tu fais un jeu avec des endroits délimités, les véhicules ne seront peut-être pas si centraux. Mais admettons qu’on a des véhicules dans Starfield, qu’est-ce qui change? On peut déjà se sauver de nos ennemis. Quand un trigger s’active pour une quête, ça t’interrompt et te force à faire cette séquence. La quasi-totalité des quêtes se passent à l’intérieur où les véhicules ne pourraient pas rentrer. Je vois mal où des problèmes nouveaux pourraient émerger. Si vous avez peur que les gens perdent leur véhicule, faites un bouton “rapatrier”, ou faites-le revenir quand on quitte une planète. Notre vaisseau regagne déjà tout son carburant tout seul et on peut warper des objets d’une planète à l’autre, on n’est pas à un détail près.

Ensuite, parce qu’il n’y a pas de véhicules, il faut permettre aux joueurs et joueuses d’aller n’importe où sur les planètes. Surtout qu’il y en a 1000, on passera pas 10 heures par planète. Pas le choix de donner du fast travel, c’est juste tellement gros et long sinon. Et là on vient de créer la frénésie du parking dont je parlais. On peut la rationaliser (pas dans l’optique de rationner, mais dans l’optique de raisonner, expliquer) en disant que tsé, ton vaisseau te permet d’aller où tu veux, alors logiquement, on peut pas t’empêcher d’aller où tu veux…”ce serait pas réaliste“. Ici, c’est le réalisme qui sert de caution. Mais en réalité, c’est leur univers, et ils pourraient facilement limiter ce droit.

Ma proposition: dites que les vaisseaux qui ont un hyperdrive pour faire des distorsions supraluminiques (ou FTL comme on dit pour faster-than-light – un excellent jeu par ailleurs), ça crée des distorsions avec les magnétosphères des planètes. Sur une lune sans atmosphère, pas de trouble, mais sinon, ton vaisseau peut seulement s’insérer dans une atmosphère à un point super précis du champ magnétique. C’est comme un tunnel vertical que tu dois suivre pour atterrir à, disons, entre 2 et 4 emplacements sur une planète (ça peut être plus ou moins, comme ils veulent). Qu’est-ce qu’on fait après? Bin tu mets dans ton vaisseau un hangar à véhicule, pis tu sors ton landspeeder, speeder bike, whatever man, ton pogo stick électronique si tu veux… pis tu te déplaces sur la planète en véhicule.

Deux de ces véhicules sont légers, petits, et peuvent se transporter dans un vaisseau spatial de façon cohérente. Le troisième EST lui-même un vaisseau spatial, juste avec des roues dans le chemin et sans réacteurs pour voler.

Les humains en 2330 n’ont pas de véhicules: soit ils marchent au sol, soit ils marchent dans l’espace. Ils connaissent 2 technologies de mouvement: l’espadrille et le vaisseau spatial.

Hérodote AI

Ramener l’exploration dans un jeu d’exploration

Le problème #1 de Starfield, c’est que c’est un jeu où on peut explorer 1000 planètes dans l’espace… sauf qu’en réalité il n’y a pas de raison de les explorer; on peut juste ouvrir Google Maps, laisser l’AI nous téléporter là, puis sortir et faire notre commission à côté du parking avant de remonter à bord. Dans ce sens-là, Starfield ressemble étonnamment beaucoup à un autre jeu de Bethesda… et bien que je disais, un peu à la blague avant la sortie, que Starfield allait être “Skyrim in space”, j’avoue que je n’y croyais pas tellement. Clairement, ça allait être plus! Je pense que je n’étais pas préparé à penser que ça pourrait être moins…et pourtant, Starfield finit par retomber dans des problèmes que la série Elder Scrolls a déjà connu, dans un opus précédent qui minimisait l’importance de l’exploration du monde en la substituant par du fast travel omniprésent.

Limiter le fast travel sur les planètes en créant des points d’entrée limités (par une motivation diégétique de cohérence quelconque), crée surtout une raison de les explorer. Tu pars de la zone d’entrée et tu dois te rendre au prochain point où tu peux déployer un machin (disons un émetteur de pulsations électromagnétiques qui ouvre un passage dans la magnétosphère) qui te permettra d’atterrir ici à partir de maintenant. Mais cette restriction et ce jeu d’exploration ne peuvent arriver qu’à la condition qu’on ait à notre disposition des véhicules.

On peut nous donner un certain nombre de véhicules (No Man’s Sky le fait bien: moto, quad agile, rover robuste, quasi-tank lourd). On peut les acheter, les améliorer (ce serait l’occasion de donner une utilité supplémentaire aux compétences de fabrication, qui sont difficiles à aimer), bâtir un hangar à véhicules dans notre vaisseau. En plus, ces véhicules permettraient d’alléger un problème récurrent dans le jeu, celui du stockage. Bethesda avait déjà résolu ce problème avec leur fameux jeu précédent: The Elder Scrolls II: Daggerfall, en 1996. On peut acheter un cheval, puis une charrette, et on peut stocker des trouvailles dans la charrette. Quand on explore un environnement intérieur, on peut même retourner à l’entrée et cliquer sur la porte pour accéder à la charrette pour échanger des choses tout en restant dans le donjon.

Gauche: mode de transport principal dans Starfield: l'écran de fast travel. Droite: être à cheval dans Daggerfall, qui repose aussi beaucoup sur le fast travel.

C’est fou de penser que le jeu de 1996 réglait des problèmes qu’on rencontre maintenant en 2024… un peu comme le véhicule d’exploration de la lune en 1972 réglait des problèmes qu’on rencontre en 2330 dans Starfield.

Avec un système de véhicules, on peut donner un sens à l’exploration des planètes, et on peut créer de potentiels enjeux autour du stockage. Oui, on peut se servir de véhicules comme de gros coffres mobiles. Mais il y a plus. On pourrait aussi dynamiser le potentiel d’acquisition de ressources et d’échanges…

Mais c’est un autre problème!

Un commentaire

  1. “C’est fou de penser que le jeu de 1996 réglait des problèmes qu’on rencontre maintenant en 2024…”

    En effet! L’industrie du jeu vidéo est parfois une industrie qui oublie énormément. Comme les créateurs de Game of Thrones, they “kind of forgot” tellement de trucs qui pourraient donner des solutions intéressantes. Mais l’air du temps parfois nous fait prendre des raccourcis au lieu de prendre le temps de retourner au passé…

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